GINO SEVERINI, PEINTRE FRANCO-ITALIEN - Suite 2/2
Severini : le futurisme et la notoriété :
« Il ne faut jamais avoir peur d’aller trop loin,
parce que la vérité est au-delà. »
Severini affirme dans ses Mémoires que l’année 1910 fut une année charnière. Il indique que quatre tendances divisent alors le monde de l’art : les néo-impressionnistes disciples de Seurat, les fauves qui suivent Matisse, les symbolistes qui s’inspirent de Gauguin et les cubistes autour de Braque et Picasso.
Même si alors, comme en témoignent les créations civraisiennes, Severini reste fidèle au néo-impressionnisme, fasciné par Picasso, il se livre à quelques expériences qui déroutent ses amis provinciaux.
En 1909, en Italie, le poète Marinetti a créé le mouvement futuriste et publié un manifeste. En 1910, Severini, en compagnie des peintres Balla, Boccioni, Carrà et Russolo signe, à son tour, deux autres manifestes futuristes. Dans l’esprit de Severini, il s’agit plutôt de défendre un art de vivre, de faire table rase du passé que d’affirmer des convictions artistiques. Les jeunes signataires soutiennent le progrès et notamment l’automobile, ils sont épris de vitesse, ouverts à toutes les expériences et le rejet dont ils sont victimes soude le groupe.
En 1911, Severini commence à travailler sur une toile novatrice : La Danse du Pan-Pan au Monico. Toujours aussi pauvre, il sollicite l’aide de Marinetti, mais ce dernier refuse et Severini décide d’aller plaider sa cause directement à Milan, ce qui lui permettra, en plus, de rencontrer Carrà et Russolo et de découvrir leur peinture. Marinetti accepte finalement de l’aider et il repart pour Paris accompagné de Carrà et Russolo. A cette époque, il commence à fréquenter la Closerie des Lilas et il y côtoie Paul Fort et sa fille Jeanne. Jeanne a évoqué la rencontre : « J’avais quatorze ans et demi, je faisais un peu de secrétariat pour mon père : un futuriste ? Qu’est-ce que ça pouvait bien être, un futuriste ? ». Très vite, et malgré la différence d’âge, Severini s’attache à la jeune fille et l’attachement est réciproque.
Cette œuvre, qualifiée de dégénérée, sera détruite pendant la seconde guerre mais, en 1959-1960, Severini va la repeindre à l’identique et l’offrir au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Le tableau est maintenant visible au Centre Pompidou
La Danse du Pan-Pan au Monico détermine une rupture. Severini écrit à son sujet : « C’est une œuvre exécutée presque uniquement sous l’influence des bruits, des sons ambiants... » Les couleurs sont posées en zones divisées et les éléments réalistes voisinent avec des formes abstraites. Du 5 au 14 février 1912, Fénéon organise « l’exposition des peintres futuristes » à la galerie Bernheim. Le succès est mitigé mais l’exposition voyage en Europe et le futurisme est partout : manifeste de la femme futuriste, de la sculpture futuriste, de la littérature futuriste ! Severini se lie avec un journaliste italien, Soffici, pourtant d’abord assez hostile au mouvement mais, finalement, leur amitié conduit à la création d’une revue, Lacerba.
Le 7 avril 1913 marque une étape importante : le jour de ses 30 ans, Severini inaugure sa première exposition personnelle à la Malborough Gallery de Londres : 6 peintures et 9 dessins. Severini affirme alors rechercher l’abstraction. Ainsi L’Autobus cherche à reproduire « au moyen de lignes et de plans, la sensation rythmique de vitesse, de mouvement spasmodique et de bruit assourdissant ». Pour autant, sa situation financière reste désastreuse mais l’exposition, soutenue par la bourgeoisie et l’aristocratie londonienne, est cette fois un succès. Et puis Severini va recevoir de Paul Fort l’autorisation d’épouser sa fille Jeanne le 28 août. Jeanne a 16 ans, ses témoins sont Stuart Merill et Alfred Vallette et, ceux de Gino, Guillaume Apollinaire et Marinetti. Paul Fort, enthousiaste, déclare : « c’est le mariage de la France et de l’Italie. »
En 1914, Gino est en Italie, malade de nouveau et toujours aussi pauvre, d’autant que Jeanne met au monde leur premier enfant : Gina. Petit à petit, Severini s’éloigne du futurisme. Le divorce est personnel - Marinetti, pourtant très riche ne l’a jamais beaucoup aidé - mais aussi idéologique - les futuristes sont des partisans de la guerre - autant qu’artistique. En 1916, année de la naissance de son fils Antonio qui ne vivra que quelques mois, il participe cependant, encore, à une exposition futuriste à Paris dans la galerie Boutet de Monvel et il collabore à des revues. En même temps, il remet en cause sa conception de la peinture et il réalise d’une part des œuvres qui annoncent ce que l’on va appeler « le retour à l’ordre » : le Portrait de Jeanne, la Maternité, inspirée des primitifs italiens et qui la représente avec leur fils Antonio et, d’autre part, des œuvres qui confirment son adhésion au cubisme synthétique. Une exposition organisée à New York en 1917, lui apporte enfin une éclaircie financière, toutes ses œuvres ayant été vendues. Et l’embellie financière se confirme en 1918 par la signature d’un contrat avec son marchand, Léonce Rosenberg (frère de Paul Rosenberg, le marchand de Picasso et oncle d’Anne Sinclair) qui lui assure enfin des ressources régulières.
Toujours obsédé par des tendances divergentes, Severini dira lui-même : « Toute ma vie je chercherai à concilier les deux esprits : futurisme et cubisme-géométrie, nombre et fantaisie-grandeur statique des formes et des couleurs-passion et réflexion-algèbre et libre invention intuitive. Jamais je ne résoudrai ce problème et mes œuvres porteront toujours la trace de ce drame intérieur, qui est peut-être le drame de mon temps : réconcilier la grandeur immobile des formes définitives avec le rythme des formes vivantes. » Conscient de ses lacunes, Severini se lance dans l’étude des mathématiques et approfondit sa connaissance de la couleur. En 1921, une commande lui permet d’aborder l’art de la fresque, un client anglais, propriétaire d’un château près de Florence, le château de Montegufoni, lui demande de décorer son salon. Il y peint les personnages de la commedia dell’arte et des masques.
En 1923, Severini rencontre Jacques Maritain et se rapproche de la religion. Aux dimanches de Maritain, il fait la connaissance de Charles Ferdinand Ramuz, l’auteur vaudois, et l’amitié qui les lie se poursuivra au fil des années et des rencontres. En 1934, Severini matérialisera cette amitié en réalisant un portrait de Ramuz.
Liliane Jouannet, vice-présidente des Amis de Ramuz m’a appris qu’en 2006 et 2011 (bulletins n° 25-26 et n° 32) l’association avait consacré plusieurs pages à Severini et reproduit quelques œuvres. Elle a eu l’amabilité de me faire parvenir les articles et surtout la photo du portrait de Ramuz actuellement exposé au musée de Pully, proche de Lausanne. Voir aussi le blog des Amis de Ramuz, message du 16 janvier 2012 : http://bulletindesamisramuz.blogspot.com/search/label/Gino%20Severini
En 1934 encore, par l’intermédiaire de Maritain, il reçoit commande pour décorer de fresques l’église de Semsales dans le canton de Fribourg en Suisse. Cette fois, Severini applique à la fresque la doctrine du cubisme. En 1927, il décore à fresques une autre église dans le canton de Fribourg : l’église de la Roche. Cette même année naît son second fils prénommé Jacques. En 1930, il élabore une mosaïque importante, l’Assomption de la Vierge, pour une autre église paroissiale suisse, celle de Tavannes. Et il récidive pour l’église Saint-Pierre de Fribourg, travail qu’il termine en 1932. On lui commande encore la décoration de l’église Notre-Dame du Valentin à Lausanne : dans l’abside, il représente la Vierge et l’enfant et il donne à l’enfant les traits de son fils Jacques qui vient de disparaître à son tour.
La gloire, enfin
En 1935, à 52 ans, il participe à Rome à la deuxième quadriennale d’Art, il expose 36 œuvres, et obtient le premier prix, ce qui le conduit à regagner l’Italie et à s’y installer, même si le gouvernement français vient de lui décerner la légion d’honneur. En 1937, une deuxième fille, Romana, vient au monde à Rome. Severini restera en Italie jusqu’en 1946. Commandes et expositions se succèdent et Severini se lance dans une nouvelle activité et travaille pour l’opéra. Durant la seconde guerre mondiale, son activité ne ralentit pas : décors et costumes pour le théâtre, expositions et tableaux, évidemment. Le couple Severini rentre en France en 1946. Entre 1950 et 1966 il aborde la dernière période de sa production : on la qualifie de néo-futurisme ou de retour à la fantaisie. Des entreprises prestigieuses lui passent commande. Il décore les bureaux d’Alitalia à Paris, de KLM à Rome, le palais des congrès à Rome, les bureaux d’Alitalia à Beyrouth. Il a encore le plaisir d’un ultime contact avec Civray : Jean Marie Drot réalise une émission : Les Heures chaudes de Montparnasse sur la vie de Modigliani. L’émission est diffusée le 15 avril 1963, Severini y apparaît et Marcel Périvier le fils du docteur Périvier lui écrit. Commence alors une correspondance qui durera jusqu’au décès de Severini, le 26 février 1966, à l’âge de 83 ans. Ses restes seront inhumés à Cortone, le 15 avril suivant.
Jeanne Severini est décédée en 1992, Gina, la fille aînée, s’est éteinte en août 2004, madame Romana Severini est maintenant seule pour veiller sur l’œuvre de son père.
Hélène Barret
Article publié à la mort de Gina Franchina Severini
Roma, 4 ago. - (Adnkronos) - Si e' spenta ieri a Roma all'eta' di 89 anni Gina Severini Franchina, una delle protagoniste della scena artistica italiana e francese del secolo scorso. Figlia del pittore futurista Gino Severini, moglie dello scultore Nino Franchina, madre del regista Sandro Franchina, e' stata la prima grande promotrice di opere d'arte, del lavoro degli artisti di cui era circondata. Ma non solo.
Con il suo salotto, e le affollatissime feste che vi si tenevano ogni venerdi', reale punto di riferimento degli artisti di tutto il mondo che approdavano a Roma, e' stata una testimone preziosa, una delle ultime, di tutte le avanguardie del novecento. Nel 1957 aveva aperto la libreria ''Il ferro di cavallo'' specializzata in testi d'arte. Uno spazio in cui per due anni aveva organizzato mostre di giovani artisti, per la prima volta anche di fotografia.
Gina Severini Franchina non ha mai scritto nulla, ma ha saputo raccontare con passione a chi le e' stato vicino. Di quando Picasso la teneva in braccio a Parigi, dove era nata, o del suo lavoro di rilegatrice di libri per Visconti. O delle Biennali, che non aveva mai mancato. Dal 1970 si divideva fra Roma e Cortona, la citta' in cui era nato suo padre